mercredi 23 mars 2011

Maison tropicale - Manthia Diawara

Afficher l'image en taille réelleQuittons le Plateau pour aller à la recherche, aux côtés de Manthia Diawara et Angela Ferreira, de la Maisons tropicale de Jean Prouvé, entre Venise, Niamey et Brazzaville. En 2007, le documentariste malien suit l'artiste portugaise Angela Ferreira qui travaille sur le quasi mythe de la maison tropicale, pour la biennale de Venise.

Manthia Diawara et Mireille Ngatsé,
ancienne propriétaire de la maison tropicale à Brazzaville

Le film part à la recherche des habitants de la maison tropicale dont deux exemplaires ont été retrouvés à Brazzaville et Niamey. L'objet architectural en soi, n'est pas le sujet central du film et ce n'est qu'à la fin du documentaire qu'on découvre à New-York, une maison tropicale splendide, comme posée là, sur les rives de l'Hudson river (ou du New-Jersey?).
Ce qui est documenté ici, c'est le rapport des habitants et des voisins avec cette construction apparemment commune, qu'ils cotoyaient sans voir au quotidien et qui, du jour au lendemain, se retrouve dans les plus grands musées du monde. C'est peut-être çà, l'architecture moderne en Afrique: un patrimoine précieux et banal à la fois...  Manthia Diawara ne s'y trompe d'ailleurs pas, en replaçant dès le début du film cette maison dans le contexte qui nous intéresse et que l'on pourrait résumer en trois mots : modernité, indépendances africaines & architecture

dimanche 24 octobre 2010

Le Ngor - Diarama, 57 ans plus tard...

Construit en 1953 par le Corbusier, Le Ngor est longtemps resté le grand hôtel de Dakar, traversant la fin de l'AOF jusqu'au milieu des années 70 sans grande concurrence. Etape préférée des équipages Air France dans les années 60, le Ngor (ancien hôtel Méridien - qui a déménagé à quelques centaines de mètres dans un bâtiment kitch et immense à l'architecture néo-saoudienne saisissante) domine d'un côté l'île du même nom et de l'autre jouit d'une vue plongeante sur l'aéroport. Aujourd'hui, les 4**** sont nombreux à Dakar. Le Ngor a du coup perdu un peu de sa superbe et sa clientèle huppée a déserté.

Quand je m'y rends ce dimanche de septembre, la communauté libanaise est massée autour de la piscine du Diarama mais le grand immeuble du Corbusier est vide de clients. Le hall et le restaurant, banals à souhait, ont dû être rénovés dans les années 80, mais quand le concierge me guide dans les étages pour visiter une chambre, la sensation est tout autre : rien ne semble avoir bougé. on est immédiatement saisi par l'astuce (propre au maître) de la desserte des chambres : les couloirs sont sur des demi-étages qui servent de petites cages d'escaliers permettant d'accéder aux chambres des demi-étages supérieurs et inférieurs. Ainsi toutes les chambres sont traversantes et font la largeur de l'immeuble (qui -s'il donne une impression de masse vu de face, ressemble à une longue et étroite ellipse vu de profil). Un petite pensée pour Shining, quand on avance dans le long couloir sur cette moquette rougeâtre qui n'est pas d'époque, comme me le confirme mon guide.


En revanche, quand on pénètre dans une chambre (il y en a de deux sortes: les simples et les "suites" avec mezzanine, on est frappé par l'impression qu'elles donnent : celle d'être là depuis l'inauguration de l'hôtel. Ce n'est pas impossible puisque le concierge les a toujours connues et il est arrivé en 1972. Si c'est le cas, nous avons là, intactes, quelque 124 chambres entièrement meublées par le Corbusier. Rien ne permet de l'affirmer évidemment, mais ce serait une belle nouvelle si tel était le cas.


dimanche 19 septembre 2010

patrimoine et modernité, en débat à l'Institut Français de Dakar

A l'occasion des journées du Patrimoine, la médiathèque de l'Institut Français accueillait samedi 18 septembre 2010, le Docteur Hamady Bocoum, directeur du Patrimoine culturel au Ministère de la Culture Sénégalais. Une vraie liberté de ton, de bons argument techniques (on retiendra notamment l'explication technique de la "catastrophe annoncée" du Marché Sandaga), et une foi dans sa mission, qui vient contrarier l'avidité de certains promoteurs immobiliers. Pour autant, ceux-si semblent jouir d'une impunité qui laisse sans voix. Les démolitions récentes dans le quartier Kermel faites nuitamment, sans autorisation - pour laisser la place à des immeubles R+10- en sont le témoignage. Le mal est fait mais il semblerait -cette fois- que la justice soit saisie au plus haut niveau possible et qu'il y ait peu de chance que le promoteur en question puisse aller au bout de son projet immobilier.
Intervention remarquée durant le débat d'une jeune architecte belge, Luce Beeckmans, qui évoque un travail d'inventaire du patrimoine moderne, fait à Kinshasa, avec le soutien du Ministère de la Culture. Elle signale que les architectes européens, dans les années 50, se sont "servis" de leur projets africains, pour tenter de nouvelles choses, innovantes par les lignes, audacieuses dans les formes et les fonctions. A tel point, selon elle, que la banlieue de Dakar, recèlerait des bijoux architecturaux, témoins d'une époque, dont on aurait du mal à trouver l'équivalent en Europe aujourd'hui.
En conclusion du débat, le Dr Bocoum rappelle que ses missions s'arrêtent au patrimoine classé (il y a déjà fort à faire à Saint-Louis notamment), qu'il y a également tout un travail à faire sur le patrimoine immatériel. C'est sûr que dans ce contexte, l'inventaire et la mise en valeur du patrimoine moderne n'est pas encore une priorité. Espérons qu'elle le devienne.

samedi 11 septembre 2010

Le Fouquet's 1

Le Fouquets est le carrefour de toutes les questions qui nous animent quand on parle du Plateau : l'architecture, la machine à remonter le temps, la petite musique lancinante des insouciantes années d'indépendance, la préservation du patrimoine matériel et immatériel... Nous avons tellement de choses à dire sur le fouquets et tellement de choses que nous ignorons encore. Plusieurs articles seront donc consacrés à ce qui est en train de devenir une légende urbaine, avec ses vérités et ses rumeurs. Mon seul étonnement est qu'il soit encore ouvert aujourd'hui...
Pour commencer cette série sur le Fouquets, restons à l'extérieur: tout d'abord, une image du splendide édifice qui abrite ce bar, ouvert à la fois sur la galerie marchande et sur la désolation d'une ancienne rue piétonne aujourd'hui en friche. Le building "Maginot", surnommé "les gaufrettes" est situé entre les rues Victor hugo et Jules ferry et domine le grand carrefour de l'Avenue de la République, en face de la Cathédrale, non loin du théâtre Sorano, de l'Assemblée Nationale et de bon nombre de Ministères. bref, les allées du pouvoir et de la notabilité.

Imaginez donc, en 1966, après une représentation au Théâtre Sorano, de la "Tragédie du Roi Christophe", vous allez prendre une limonade, à deux pas, en terrasse du Fouquet's. L'orchestre afrocubain ne joue pas encore car il est trop tôt, mais il y a beaucoup de monde car c'est un endroit à la mode...

Dans un prochain article, nous rentrerons au Fouquet's de jour par la Galerie marchande (la seule entrée aujourd'hui). Et puis, il faudra bien rendre compte du Fouquet's by night, piste de danse insolite pour noctambules égarés se balançant sur les sons patinés d'un orchestre sans âge.

les gardiens du Plateau

Ils sont là, de jour comme de nuit. Ils discutent dans la rue avec leurs collègues, avec les vendeurs ambulants, avec vous. Ils ne sont pas conservateurs du patrimoine, mais bel et bien gardiens du Plateau. La plupart se connaissent, ils sont souvent là depuis toujours et comptent bien garder leur place, malgré des salaires plus que modiques (moins de 100.000 FCFA/mois = 150 euros). Devant les immeubles plus importants, quelques sociétés de gardiennage ont fait leur apparition et se partagent le marché des administrations et des grandes copropriétés. Du coup, des uniformes et quelques rares armes à feu apparaissent. Mais cette dimension sécuritaire est la dernière qu'on a envie de retenir et ce n'est pas le sentiment qui domine. Ce qui nous plaît, c'est plutôt cette fonction sociale de go between, cette présence qui fait qu'aucune rue n'est jamais déserte et qu'il y a toujours quelqu'un pour vous saluer ou vous renseigner (ou plus simplement vous regarder passer).
Et puis, il y a le petit carré de territoire sur le trottoir, qui leur appartient, tantôt salon de thé où l'on reçoit, tantôt poste d'observation.
Le plus souvent, c'est du mobilier de bureau qui est récupéré et ces fauteuils de cadre sup légèrement avachis ont une seconde vie (voire une troisième!) en conférant à leur nouveau propriétaire toute l'assurance et la prestance dont ils ont besoin dans leur position.

jeudi 9 septembre 2010

Francis Diébédo Kéré, de Berlin à Dakar

Francis Diébédo Kéré © DR
J'ai rencontré Francis Kéré à Bordeaux où il venait de donner une brillante conférence à "Arc-en-rêve". J'ai été frappé par son application à mener de front, à la fois une exigence technique, environnementale et esthétique, tout en gardant un pied dans sa culture vernaculaire. Le hasard fait qu'il habite aujourd'hui à Berlin, parangon s'il en est, d'une certaine modernité architecturale. Lui aussi insiste, à l'instar de Rem Koolhaas, sur la préservation d'un certain patrimoine que les architectes africains d'aujourd'hui semblent ignorer. Nous espérons que Francis Kéré viendra faire un jour quelque chose à Dakar ou du moins que sa parole porte jusque ici... où il n'y a plus d'école d'architecture depuis presque 20 ans. Deux images en regard l'une de l'autre: le Théâtre Daniel Sorano à Dakar (inauguré par Senghor en 1965) et le théâtre du peuple de Berlin (reconstruit par l'architecte Hans Richter en 1952).  

Théâtre Daniel Sorano - Dakar Plateau
L'extrait de l'entretien reproduit ci-dessous revient sur ce sujet :


Volksbühne ("le théâtre du peuple") -  Berlin


Quelle est votre vision de l'urbanisme et de l'architecture des villes africaines que vous connaissez ? Pouvez-vous donner des exemples ?

      Je regrette qu'il y ait en Afrique si peu de débats aujourd'hui sur la place de l'architecture et des architectes dans la fabrication du cadre de vie et l'aménagement du territoire. Notre rôle n'est pas seulement architectural ou urbain mais aussi politique. Les villes africaines que je connais montrent rarement une véritable personnalité architecturale contemporaine. On a le sentiment que la qualité et les savoirs faire que l'on voit dans l'architecture " vernaculaire savante ", dans l'architecture coloniale puis dans l'architecture moderniste des années 50 à 70 se sont perdus. Depuis les années 80, il y a peu de propositions satisfaisantes des points de vue culturel, esthétique et constructif.
      Sous la pression économique, on veut construire trop vite. Le béton n'a plus le temps de bien " prendre " et les maisons s'écroulent. Pourquoi ? Ceux qui dessinent et ceux qui construisent ne sont parfois pas qualifiés. (extrait d'un entretien publié sur www.africultures.com )

dimanche 5 septembre 2010

Borom Sarret (1963): le plateau par Ousmane Sembene

Dans son premier court-métrage, "Borom Sarret", Ousmane Sembene filme un charretier aux prises avec les mutations urbaines. Un policier lui interdit l'accès au Plateau, dont il repart sans son outil de travail. Le Plateau y est filmé comme une zone interdite, lointaine, aseptisée. Les rues sont vides et les immeubles, blancs, imposants. La charrette, symbole de rusticité, fait tâche au milieu des quelques automobiles (Aronde, 2CV, etc.). Deux ans après l'indépendance, le Sénégal est entièrement tourné vers l'avenir et le Plateau s'en veut la preuve. Fini les borom Sarret, bienvenue dans la modernité.
Curieusement aujourd'hui, on croise encore quelques Borom Sarret en centre-ville... Ils n'y sont plus interdits. Plus grand chose n'est vraiment interdit d'ailleurs. Le film "Dakar... la rue publique" de Ben Diogaye Bèye, vient, 50 ans après le film de Sembene, en témoigner. L'espace public est privatisé, les trottoirs ont disparu sous les étals des marchands ambulants, et les 4x4 menacent les piétons qui s'aventurent au milieu de la chaussée, faute de pouvoir marcher ailleurs...
Une seule parenthèse le dimanche, où les rues désertent nous rappellent qu'un jour, il y a eu un geste urbaniste fort, laissant certes sur les bas-côtés les borom sarret mais ouvrant toutes les perspectives qu'offraient alors les attraits de la modernité.